Une vie pour une vie
Elle s’agrippait à Lenn de toute ses forces. Sa vue se troublait sous l’effet de la douleur et de la fatigue. Elle sentait le pas de course de son époux, l’emmenant vers le centre de soins. Tout semblait si lointain et si proche à la fois…. Comme si elle avait ouvert les yeux sur le monde d’une manière nouvelle.
Le coeur de Lenn battait à tout rompre, au même rythme que le sien. Il avait sublimé ses propres ennuis de santé pour elle…
Une nouvelle douleur fulgura en elle, la tétanisant quelques instants. Malgré les contractions de plus en plus rapprochée, elle était étonnamment calme, dans un état second…
En harmonie avec le reste de l’univers.
Elle n’avait pas besoin d’ouvrir les yeux pour ressentir la moindre trace de vie autour d’elle. Cela résonnait comme un vacarme assourdissant, mais rassérénant.
Pour une raison qu’elle ignorait , sa perception de la Force s’était décuplée, comme si quelque chose en elle en sommeil depuis toujours venait de se réveiller.
Elle n’eut que vaguement conscience des voix qui s’élevaient autour d’elle, Elle savait la présence de Lenn, douce et rassurante toute proche… Jusqu’à ce qu’on l’isole en salle de travail.
Elle s’éveilla brutalement de sa torpeur, cherchant son époux à ses côtés, luttant bravement contre la douleur qui irradiait son corps. Elle tendit faiblement une main vers la porte pressurisée qui s’était refermée entre elle et son compagnon.
- Lenn…
- Chut… gardez vos forces… Tout va bien… Votre mari vous rejoindra bientôt…
La voix apaisante d’une femme retentit dans ses oreilles. Elle ne comprit plus très bien ce qui se fut dit après « mettez la sous sédatif !.. ».
La douleur s’estompa, ainsi que les contours de la pièce. Elle eut conscience de crier, chose rarissime pour elle, puis tout devint flou.
Elle entendait toujours au dessus d’elle la même voix chaude et rassurante qui l’encourageait.
Dans un état de semi-conscience, elle revit devant elle leur foyer en cendre, se souvint les dernières menaçes de Taku avant qu’elle ne disparaisse… Se revit elle-même enfant, lorsqu’elle n’était rien d’autre qu’une machine à tuer… Tout se mêlait en une toile confuse. Elle revivait le deuil de Lenn, puis la joie de l’avoir retrouvé.
Devant elle s’activant les formes confuses d’êtres pensants. Elle ne se rendait pas vraiment compte de la poche de sang qu’on lui transfusa en urgence pour pallier l’hémorragie grave qu’elle avait commencé à faire, tout à son délire.
Elle finit par sombrer dans les brumes de l’inconscience, n’entendant que très lointainement les cris d’un nouveau né qui expérimentait ses poumons tout neuf.
*
**
Lenn attendait là où on lui avait indiqué, se sentant plutôt inutile dans le cas présent. Il était sur une chaise, le visage morne, les yeux creusés comme ses traits par une fatigue grandissante. Oui, il était fatigué. Et inquiet. Sybille avait l’air mal en point lorsque l’équipe de soins avait pris le relais. Le médecin qui s’occupait de sa femme sortit de la salle de travail et vint le rejoindre. Il releva la tête, douloureusement.
- Comment va t -elle ?
Le médecin sembla chercher ses mots pour lui répondre. A son visage Lenn comprit immédiatement qu’il s’agissait de quelque chose de grave et un vent de panique habita son visage.
- Elle n’est pas…
- Non… Mais elle ne va pas très bien, je dois malheureusement vous le dire. Elle a perdu beaucoup de sang. Votre fille par contre est en pleine santé. Pour votre épouse, je crains qu’il n’y aie qu’une chose à faire : attendre. Nous avons mis toute notre science à l’œuvre pour la soigner. Elle est solide et semble battante… Cependant… Elle devait souffrir de complications depuis un certain temps…
Je suis désolée de ne pas pouvoir vous apporter de meilleure nouvelle monsieur Ama…